mercredi 22 décembre 2010

MALADIE DE BEHCET

MALADIE DE BEHCET


En 1937, un professeur de dermatologie turc, Hulusi Behçet, définit une entité associant une aphtose buccale, une aphtose génitale et une inflammation oculaire. Depuis, de nombreuses autres manifestations systémiques ont été reliées à cette triade, regroupées sous le nom de la maladie de Behçet. Malgré la diversité de la symptomatologie clinique, les manifestations dermatologiques gardent une place prépondérante du fait de leur fréquence et de leur intérêt diagnostique (tableau )

Aphte buccaux récidivants, l’aphtose buccale est presque constante (90 à 100 % des cas), inaugurale dans 25 à 75 % des cas selon les séries .

Definition:
Vascularite systémique rare, décrite dans toutes les ethnies mais plus fréquente autour du bassin méditerranéen et en extrême orient. atteinte systemique (Peau, bouche, œil, système nerveux central, système nerveux périphérique, vaisseaux, tractus digestif). Formes frontières avec la polychondrite chronique atrophiante: MAGIC syndrome.

Elle évolue par poussées et se caractérise par une atteinte surtout

  1. cutanéo-muqueuse (aphtes buccaux et génitaux, pseudo-folliculite, nodules acnéiformes, hypersensibilité aux points de ponction),

  2. neuro-ophtalmologique (uvéite antérieure ou postérieure, méningo-encéphalite)

  3. vasculaire (phlébites des membres, thromboses caves, thrombophlébites cérébrales, artérite).

Epidemiologie:
Age de prédilection: Débute très généralement avant 50 ans.
Sexe La prédominance masculine décrite jusqu'alors n'existe probablement pas.
Etiologie: Inconnue. On évoque des mécanismes réactionnels (infectieux: streptocoques?, environnementaux, ou autres) sur un terrain prédisposé (génétique Rares formes familiales ou transmission mère-enfant. Association de 50% des maladies de Behçet à l'antigène HLA B51. la maladie de Behçet peut être aggravée par la grossesse. Quelques cas de transmission materno-fœtale.

Signes cliniques:
• Aphtose buccale, génitale, périanale, récidivante, souvent invalidante
• Pseudofolliculite: pustule non centrée par un poil (aphte cutané...)

Les manifestations dermatologiques de la maladie de Behçet sont dominées par l’aphtose bipolaire n’ayant aucun caractère clinique distinctif par rapport aux autres aphtoses. Les lésions cutanées regroupent les pseudo folliculites, les folliculites, les aphtes cutanés, les nodules dermohypodermiques, des dermato-ses neutrophiliques telles un syndrome de Sweet ou un pyoderma gangrenosum.

Pseudo folliculite: Ce sont les plus fréquentes des lésions cutanées Elles forment initialement des papules avec secondairement une pustule centrale non centrée par un poil et un halo érythémateux périphérique évoluant vers une croûte, par-fois vers une ulcération, guérissant spontanément sans cicatrice. Elles siègent principalement sur le tronc, les membres inférieurs, les fesses et les bourses mais peuvent être observées sur toute la surface du tégument y compris le visage, les paumes et les plantes. Parfois, elles disparaissent avant de devenir pustuleuses. Le diagnostic clinique avec une simple folliculite ou une acné, éventuelle-ment induite par une corticothérapie, est très difficile d’où la nécessité de pratiquer des prélèvements bactériolo-giques et un prélèvement biopsique profond. En effet ces pustules sont amicrobiennes avec en histologie un foyer de nécrose suppurée, non centrée par un poil. Fréquem-ment existe également un infiltrat lymphocytaire composé de CD4 mais aussi de CD8 puis une vascularite leu-cocytoclasique en regard et à distance intéressant les veinules du derme profond . Les dépôts vasculaires de C3 sont fréquents contrastant avec la rareté des dépôts d’immunoglobulines .
• Autres lésions cutanées: nodules acnéiformes, vascularite, érythème noueux, pyodermite,
papules, vésicules
• Lésions oculaires: uvéite antérieure à hypopyon, uvéite postérieure, vascularite rétinienne,
œdème papillaire et atrophie optique en cas d'hypertension intracrânienne
(thrombophlébite cérébrale)
• Polyarthrite généralement non érosive, spondylarthropathie
• Thromboses veineuses périphériques, syndromes caves par obstruction cave, tableau
d'hypertension intracrânienne par thrombophlébite cérébrale, Budd-Chiari
• Artérite: thromboses, anévrismes
• Atteinte neurologique centrale (syndromes déficitaires, pyramidaux, cérébelleux,
convulsions, troubles de conscience, méningite) ou plus rarement périphérique (paralysie
des nerfs crâniens, neuropathies périphériques, polyradiculonévrite aiguë), surdités
spécifiques, atteintes vestibulaires
• Atteinte digestive ("pseudo-Crohn")
• Myosites, Epididymite , Glomérulonéphrites rares

Complications
  • Neurologiques avec lourdes séquelles fonctionnelles
  • Anévrismes artériels inflammatoires
  • Du traitement et de l'arrêt du traitement
  • Amylose
  • Décès spécifiques rares
  • Surdité
  • Cécité
  • Thromboses, embolies


Diagnostic différentiel:

  • Aphtose banale (40 à 60% de la population)
  • Les maladies systémiques: lupus, vascularites
  • Syndrome des antiphospholipides
  • Déficit en facteurs de la coagulation
  • Syphilis
  • Herpès
  • Sclérose en plaques
  • Maladie de Crohn, RCUH


Examens de laboratoire:
- Aucun examen biologique n'apporte d'argument décisif.
- En dehors des poussées, la biologie est en règle normale.
-Lors des poussées, on observe généralement un syndrome inflammatoire, une
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles.

-La positivité du test pathergique traduit une hypersensibilité aux points de piqûres ; la fréquence de sa positivité est variable en fonction des pays.
Examens diagnostiques spécifiques:
- La détermination d'un antigène HLA B5 n'a aucun intérêt diagnostique.
- Les marqueurs d'auto-immunité sont généralement négatifs.
IRM: Intérêt de l'examen IRM du cerveau pour les formes neurologiques centrales et les
thrombophlébites cérébrales (de loin supérieur au scanner)
-Histologiquement, ces lésions ont souvent un tropisme vasculaire avec un infiltrat composé de polynucléaires neutrophiles ou de lymphocytes. .

Diagnostique:
le diagnostic peut être posé en présence d'aphtes buccaux (critère majeur) avec deux critères mineurs, en l'absence d'une autre explication clinique.

Tableau I. – Critères diagnostiques du groupe international d’étude sur la maladie de Behçet.
critere obligatoire: Ulcération buccale récurrente : aphtose mineure, aphtose majeure ou ulcération herpétiforme observée par un clinicien ou le malade survenant au moins 3 fois en 12 mois.
+ 2 des 4 critères suivants
  1. Lésions cutanées : érythème noueux observé par un clinicien ou le malade, pseudo-folliculites ou lésions papulopustuleuses ou nodules acnéiformes observés par un clinicien en dehors de la période d’adolescence et de traitement corticoïde.
  2. Ulcération génitale récurrente : aphtose ou cicatrice observée par un clinicien ou le malade.
  3. Lésions oculaires : uvéite antérieure, uvéite postérieure ou hyalite à l’examen à la lampe à fente ou vascularite rétinienne observée par un ophtalmologiste.
  4. Test pathergique : lu par un clinicien entre la 24 e et la 48 e heure.présence d'une pustule ou d'une papule après 24 à 48 h, au point de ponction d'une aiguille sous-cutanée à la face antérieur de l'avant-bras

Critères applicables en l’absence d’autres diagnostics


C.A.T : Ambulatoire pour la plupart des manifestations. Suivi spécialisé nécessaire,
particulièrement pour les yeux (maladie de Behçet, affirmé ou suspecté, doit faire rechercher de principe des lésions oculaires par un ophtalmologiste entraîné). Hospitalisation pour les formes neurologiques ou
artérielles

Traitement:

les indications

• toutes les formes cliniques ,Colchicine: 1 à 2 mg/j
• Aspirine (100 à 250 mg/j) très facilement, particulièrement pour les formes vasculaires et
neurologiques
• Traitement anticoagulant en cas de thrombose
• Prednisone pour les formes plus sévères (oculaires, neurologiques, vasculaires)
• Immunosuppresseurs: pour les formes neurologiques, pour les atteintes oculaires
bilatérales graves, pour les atteintes vasculaires
• Débuter en milieu spécialisé. On utilise le plus couramment le cyclophosphamide
(généralement en perfusion mensuelle) ou l'azathioprine. L'immunosuppression dans ces
contextes est en général d'au moins deux ans.
• Thalidomide (50 à 100 mg/j ; parfois 200 mg/j au début du traitement): pour les aphtoses
rebelles. Contraception efficace chez la femme, surveillance neurologique et
électromyographique très régulière
• Ciclosporine: toxicité rénale importante sur ce terrain
• Bolus de méthylprednisolone lors des poussées oculaires ou neurologiques
• Echanges plasmatiques parfois
-En l’absence de lésions systématiques justiciable d’un traitement agressif, le traitement des lésions dermatologiques repose sur la colchicine, l’aspirine, éventuellement la dapsone. Les formes sévères d’aphtose sont traitées par le thalidomide, médicament tératogène avec une toxicité neurologique.


Surveillance
• Surveillance mensuelle de l'hémogramme sous cyclophosphamide et azathioprine
• Surveillance des complications infectieuses sous traitement immunosuppresseur
• Hydratation abondante alcaline et protecteurs vésicaux (uromitexan 60-100% de la dose
de cyclophosphamide) en cas de perfusions de cyclophosphamide à forte dose
• Les doses de cyclophosphamide peuvent être modulées en fonction de la créatininémie et
d'une lymphoneutropénie.

la surveillance: en fonction de l'atteinte
• La surveillance oculaire doit être régulière.
• La surveillance de l'adhésion au traitement est primordiale, une forme cutanéo-muqueuse
peut évoluer vers une forme neurologique grave en cas d'arrêt impromptu de la colchicine.
Le traitement par colchicine doit être maintenu très longtemps (à vie selon certains auteurs) et ne doit être arrêté que sur avis spécialisé; egalement pour la corticothérapie.
• La survenue d'une complication neurologique est à craindre car de pronostic fonctionnel
redoutable. Une thrombophlébite cérébrale doit être évoquée en cas de symptômes
neurologiques voire de céphalées persistantes, et est facilement dépistée actuellement
par l'angio-IRM.

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